Objet du mois, décembre 2021

Erhu ‒ « sons de vieille tristesse ».

Jules Lefort et sa passion pour la musique chinoise

Durant toute sa vie, Jules Lefort, directeur de la Brasserie Mousel et président de la fédération des brasseurs luxembourgeois, a aimé explorer les pays lointains, nouant des contacts avec des fabricants, commerçants et amateurs de bière du monde entier. En septembre 1960, il effectue un premier grand voyage en Asie orientale, allant d’abord de la Russie en Chine et passant ensuite par la péninsule indochinoise en Inde. À Pékin il est reçu, comme en témoigne une invitation conservée dans le fonds Lefort au CNL, par Zhou En Lai, président de la République populaire de Chine.

 

Fasciné par ce pays, Lefort devient co-fondateur de l’association Amitiés Luxembourg-Chine Populaire, dont il sera le premier président. L’année suivante, il tient un discours lyrique à la Grande Loge à Luxembourg-Ville dans lequel il fait l’éloge de la culture et de la civilisation chinoises tout en racontant comment il a parcouru ce pays « de la fraîcheur du Nord au vent froid de Mongolie, à la chaleur suffocante du Sud, des frontières de Sibérie par la muraille de Chine à Pekin, par le Yang Tse Kiang à Nankin et Shanghai, par le Houang Ho à Hanchéou, par le Pearl River à Canton et Hongkong ». (Jules Lefort : Au pays des Bouddhas, p. 1, CNL L-370; I.4-1).

 

À Pékin et Shanghai, il visite non seulement les musées, bibliothèques et pagodes, mais également les conservatoires de musique, car, comme il l’affirme dans son discours, « le Chinois naît, vit et meurt en musique, cette musique qui est dite parfois de la concorde, parfois du Grand État, parfois du Bienfait Universel » (p. 3). Il souligne que le philosophe Confucius lui-même aurait attribué « une vertu singulière à la musique, comme elle possède une force de persuasion, c’est-à-dire le don de révéler l’âme à une âme-amie » (p. 5). Par la suite, Lefort exprime sur une quinzaine de pages son admiration pour la civilisation chinoise qui « avait déjà mûri il y a plus de quatre mille ans, se développant depuis. » (p.7)

 

De retour au Luxembourg, la musique chinoise, « sons de vieille tristesse, venant du fond des âges » (p. 1), adoucit les heures de loisir de Lefort. Le symbolisme de l’opéra de Pékin lui est particulièrement cher : « Pour les Chinois p. ex. la logique après tout n’est qu’une danse cadencée du mental, rien de plus, vu que la vérité ne peut être atteinte que par la compréhension des contraires. » (p. 2)

 

En été 1962, il part avec son épouse Betty Berens et sa fille Jeanne pour un deuxième voyage de trois semaines qui les mènera de Moscou en Sibérie et au Japon. Sur le chemin du retour, la famille fait une escale au port de Hongkong où Lefort acquiert des souvenirs, dont cet erhu, instrument de musique traditionnel à deux cordes. Jeanne Berchem-Lefort se rappelle avoir pris soin du délicat instrument en bois pendant le voyage de retour au Luxembourg via New Delhi et Moscou.

 

À peine trois ans plus tard, l’entrepreneur meurt prématurément d’un cancer. Lors des funérailles, la Chine lui rend un dernier hommage en décorant sa tombe d’une large couronne de fleurs recouverte d’un ruban portant l’inscription suivante : ‹ La R.P. de Chine / Relations Culturelles ›.

 

Sandra Schmit

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